BERNARD, IN MEMORIAM

Sacré Croqueur de Vie !

Tous avons conscience de notre finitude.
Chacun, pour l'affronter, choisit son attitude.
Tel, par l'ascétisme, veut accroître ses chances
De retarder longtemps la funeste échéance ;
Alors il boit de l'eau, fait de la gymnastique,
Chaque jour que Dieu fait, sans faiblesse il s'applique
À bannir sucre et sel, beurre, graisse animale
De ses tristes menus.
Tel autre croit fatal
Le coït trop fréquent en toutes positions
Surtout les plus coquines qui échauffent les passions.

Lui, sachant que la vie est mortelle aventure,
A emprunté la voie prônée par Épicure.
Depuis qu'il est parti, j'essaie d'imaginer
Ce qu'il eut pu me dire, au cours d'un bon dîner,
Des choses de la vie, de la valeur des choses,
Des absurdes décences que les us nous imposent.
Pour être, comme vous, un témoin de sa vie
J'ose à tous relater, qui fûtes ses amis,
Ses paroles (fictives), en toute confidence :

" Regarde, m'eut - il dit, tous ces vieux à l'air rance.
Ils se sont emmerdés pendant des décennies ;
Aujourd'hui tu les vois tout ridés tout flétris,
Ventres creux, pitoyables, membres comme échalas,
Accrochés à leur canne, marchant à petits pas.
Et chaque jour qui vient, ils n'ont pour perspective
Que d'économiser leur vie végétative.
Ils vont continuer à s'emmerder encore
Se voyant impuissants à conjurer la mort.
Ils ont cru, les idiots, que diètes et régimes,
Les feraient à coup sûr obvier à l'abîme.

Moi, qui suis médecin, je te dis ma recette !
La vie ne vaut le coup que si elle est une fête :
Savourer le foie gras, se rincer le gosier,
Mettre spontanément une main au panier
Et sans tergiverser honorer les salopes,
Rire sans retenue, allumer une clope,
Partager les agapes, trinquer à l' amitié !

Mon seul impératif : prodiguer la bonté,
Soigner riches et pauvres avec le même zèle
Et, s'il est dans la peine, secourir qui m'appelle.

Qu'importe une vie courte si elle bien remplie
D'amour et d'amitié et du bien accompli.
J'affirme que creuser sa tombe avec ses dents
Est plus réjouissant que creuser à la pelle !
Quelle que soit la façon, nous irons tous dedans.
Mais moi j'aurai choisi de vivre une vie belle,
Aimé de mes amis que j'aurai tant aimés
Et toujours bien vivant… au chaud, dans leurs pensées ".

Jean-Claude Perpère - AX, 30.07.2017


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