L'ANGE ET LE MECREANT

 

Par une nuit épaisse où il cuvait sa cuite,
Un envoyé du ciel vint lui rendre visite.
Le mélodieux frou-frou des séraphiques ailes

Épandait à l’entour des senteurs de cannelle.

 

A peine ouvrit-il l’œil sur le minois
Qu’il entendit sitôt : “ Ave ! vieux galopin !
Je suis venu te dire qu ’on se fait du souci
L à - Haut, près du Bon Dieu, pour ton âme endurci

 

 

Ton fond n ’est pas mauvais, mais ton tempérament
T ’incite à transgresser trop de Commandements.
Certes, point tu ne mens, ni ne tues ni ne voles
Tu honnis le Veau d ’Or et les futiles idoles

 

 

Mais tu taxes Torah, Évangiles et Védas
De racontars ineptes et ragots pour fadas.
C ’est là offense au Père qui s’est décarcassé

Sur tous les continents pour se faire encenser.

 

Sans compter, le sais - tu, que le Grand Jéhovah
Enrage de te savoir te complaire à tout - va
En vile œuvre de chair et en excès de chère.
C ’est l’Enfer qui te guette . Réagis donc, peuchère !

 

 

Quand il reprit ses sens, encore abasourdi
Mais peu enclin à croire aux voix du Paradis,
Il prêta la vision fantasque et mystérieuse

À son somme fiévreux et ses vapeurs vineuses.

 

Adonc il fit fi du conseil impérieux
Enjoignant continence et maintien sérieux.
Et, sans se soucier de divine immanence
Il persista à vivre selon sa convenance.

 

JCP, Paris 04.10.2018